Pierre Pujo

Publié le par Lux

 

 

 

le combattant intégral

                                                     par Michel Fromentoux

 

 

Notre directeur Pierre Pujo a rendu son âme à Dieu dans la nuit du vendredi 9 au samedi 10 novembre. La perte de cet intrépide défenseur de la France en tant que nation souveraine est une immense douleur pour tous ceux qui ont eu l'honneur d'œuvrer à ses côtés. Mais toute sa vie nous dit que nous devons surmonter notre peine et qu'il nous faut dès aujourd'hui, en des temps toujours plus difficiles, reprendre le flambeau qu'il a si vaillamment tenu lui-même jusqu'à épuiser sa santé.

 

 

Une âme bien née

 

Pierre Pujo, venant au monde le 19 novembre 1929 au foyer de Maurice Pujo et de son épouse née Élisabeth Bernard était incontestablement ce que l'on appelle une âme bien née. Il allait être à tout jamais marqué par l'exemple de son père, rédacteur en chef de L'Action Française, alors quotidienne, et fondateur des Camelots du Roi, qui consacra sa vie à défendre la vérité politique se dégageant de l'observation objective des faits et de l'expérience des générations. Pierre n'allait jamais s'écarter de cette notion d'objectivité qui dépasse les intérêts privés, les sentiments, les préférences individuelles.

 

Il était tout jeune homme quand, en 1940, l'Action française dut se replier à Lyon : il côtoya alors quotidiennement l'équipe des rédacteurs du journal au restaurant Blanc rue des Marronniers : bien sûr Charles Maurras qui aimait l'appeler "mon ami Petros", Édouard Michel (le futur Michel Déon), Thierry Maulnier, Louis-François Auphan.... Il accomplit ses études secondaires au collège des Jésuites de Lyon, puis, après la libération du territoire, au collège Stanislas à Paris. Il y acquit, servi par une prodigieuse mémoire, une solide culture classique et de vastes connaissances littéraires et historiques. Puis sur les bancs de Sciences Po il fut le condisciple d'un certain Jacques Chirac...

 

Militant d'Action française depuis sa quinzième année, il resta des années fidèle à son poste de vendeur à la criée du journal assurant alors la continuité de l'Action française sous le nom d'Aspects de la France. Il allait toujours se montrer fier d'avoir accompli cette humble tâche militante et expliquerait sans cesse aux nouvelles générations combien la vente à la criée est, sur le terrain du pays réel, formatrice de la volonté, du courage et de l'aptitude à argumenter.

 

Il se lança alors de tout son cœur, sans crainte des risques, dans le combat pour la défense de l'Algérie française. De 1962 à 1966, il dirigea avec enthousiasme le mensuel des étudiants d'Action française AF Université, un modèle du genre.

 

Arriva 1966, où il fut appelé à prendre la direction d'Aspects de la France, renonçant à une carrière qui promettait d'être brillante dans une grande banque. Pour Pierre Pujo comme pour ses collaborateurs travailler plus ne signifierait jamais gagner plus quoi qu'en dise aujourd'hui M. Sarkozy.

 

Aux côtés du solide et imperturbable Pierre Juhel jusqu'en 1980, il se trouva quelques années plus tard en tant que président du Comité directeur de l'Action française seul maître à bord à la fois du mouvement et du journal. Tâche harassante, qui n'était pas pour l'effrayer.

 

 

Un esprit capétien

 

Nous évoquerons dans notre numéro spécial d'hommage à Pierre Pujo du 23 novembre les grands combats qu'il mena dans le journal Aspects de la France jusqu'en 1992, puis L'Action Française hebdo, puis aujourd'hui L'Action Française 2000. Rappelons pour mémoire celui qu'il mena avec succès en empêchant la République de larguer l'île de Mayotte dont les habitants souhaitaient intensément rester français. Ajoutons son combat inlassable, de tous les instants et jusqu'à son dernier souffle pour l'indépendance de la France, ce qui l'amena à unir ses forces à celles d'hommes et de femmes de tous horizons politiques, même républicains, dès lors qu'au moins sur l'intérêt national ils parlaient un langage commun. Beaucoup de ceux-ci préféraient dire souverainisme plutôt que nationalisme. Pierre, quant à lui, ne renonçait nullement au mot qui exprime bien notre volonté de sauvegarder cette communauté  historique de destin qu'est la nation incarnée d'âge en âge par la lignée capétienne, mais il voyait dans le souverainisme un moyen de rassembler le plus possible de Français désireux de le rester et de dire NON à toute intrusion apatride. Avec cela et pour cela il était d'une fidélité à toute épreuve à la famille royale  qui fit la France et qui la refera en unissant l'intérêt national et le sien    propre.  Feu Henri VI comte de Paris,  l'actuel chef de la Maison de France Mgr le comte de Paris, duc de France, et son fils Jean duc de Vendôme lui ont plus d'une fois marqué leur grande estime.

 

 Pierre Pujo avait tout sacrifié pour la cause de la France et son abnégation faisait l'admiration même de ceux qui ne partageaient pas toutes ses idées. Comme disait Maurras il était entré en politique comme on entre en religion. Pour toujours mieux servir son pays il entendait garder à tout prix sa liberté et celle de l'Action française, entretenant des rapports courtois avec d'autres mouvements nationaux mais ne se laissant jamais entraîner dans des entreprises électoralistes ou partisanes, plus ou moins bien pensantes. Il était pleinement "capétien", mettant, au temporel s'entend, la France au-dessus de tout, et veillant pour lui-même et ses amis, à garder une entière liberté de mouvement.

 

Comme tous les hommes de grandes qualités il pouvait avoir parfois les défauts de ses qualités : une certaine intransigeance, un peu de rigidité dans ses jugements, une tendance à tout vouloir contrôler par lui-même ou à considérer comme hasardeuse toute initiative qu'il n'avait pas conçue lui-même. Les ambitieux, les vaniteux, les impatients se trouvaient soumis à rude épreuve. Certains ont même cru devoir s'éloigner de lui pour réaliser leurs rêves ; ils ont surtout réussi à disperser les forces royalistes, à priver l'Action française de talents qui eussent été plus utilement employés, voire à édulcorer la pensée maurrassienne. Il faut savoir ce que l'on veut : cette pensée est ou n'est pas, elle est forte donc exigeante comme est exigeant le salut national lui-même. Elle n'attire pas que des amis à ceux qui s'en réclament intégralement. Et pourtant nombre de ceux-ci s'aperçoivent un jour de leur erreur et nul doute qu'en ce moment plus d'un se souvient, l'œil humide, de la "vieille maison", ce 10 rue Croix-des-Petits-Champs qui, tel un sanctuaire, colle à l'âme et au corps de tous ceux qui sont venus, même en passant, y puiser les éléments de la vérité politique.

 

 

Le combat continue

 

Il fallait bien mal connaître Pierre Pujo pour estimer qu'il était fermé à toute autre considération que la politique. S'il était "capétien" disais-je, il y avait en lui quelque chose, certes, de Louis XI mais sans dédaigner Henri IV. Il aimait l'art, le théâtre, et les joyeuses réunions amicales. Il participa à des marathons jusqu' à un âge déjà avancé. Aucun ancien des camps Maxime Real del Sarte n'oubliera les grands moments où il chantait le fameux Meetinge. Cet homme que l'on croyait froid et absorbé dans ses pensées était capable de manifester une grande attention aux difficultés personnelles de ses collaborateurs. Il pratiquait le pardon des offenses et s'il faisait toujours face crânement à ses insulteurs ou aux traîtres, il n'en souffrait pas moins de leurs agissements. Il donnait un tel exemple du sacrifice de sa personne à la France qu'il était affligé de voir certains ne penser qu'à eux-mêmes...

 

Depuis son accident dans le métro il y a un an, nous voyions sa santé décliner peu à peu, avec souvent des rémissions. Un tel feu l'habitait qu'il refusait toujours de se reposer. Il ne lâchait pas prise et se livrait à des efforts surhumains pour rédiger d'une main de plus en plus malhabile ses échos signés Jacques Cepoy et son éditorial. Mardi dernier 6 novembre en fin d'après-midi, il était encore  parmi nous au journal et nous n'oublierons jamais le spectacle de ce corps déjà amoindri animé d'une volonté admirable et touchante. Il voulut voir le plan du numéro alors en chantier que vous tenez en mains, m'exprima ses remarques et même - il ne changeait pas... - ses critiques. Trois jours plus tard il était hospitalisé à Cochin, et nous comprenions qu'il ne nous restait plus qu'à prier pour lui...

 

Aujourd'hui nous ressentons un grand vide. Il s'était tant identifié à l'Action française que nous nous sentons soudain bien seuls. Nous sommes les disciples de Charles Maurras, ce « maître d'espérance » comme aime à dire François-Marie Algoud.

 

Pierre Pujo a maintenant rejoint ses grands aînés dans le combat : Charles Maurras, Pierre Juhel, Louis-Olivier de Roux, son père Maurice Pujo, sa mère Madame Maurice Pujo qui  l'aida longtemps d'une affection extraordinaire et dont l'image reste dans nos cœurs..., sans oublier sa cousine sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et les Sœurs du Carmel de Lisieux dont les prières ont tant aidé l'Action française dans des moments critiques.

 

Nous voulons exprimer à sa sœur Marielle Pujo qui l'a si admirablement entouré de soins ces derniers mois, notre grande affection et notre reconnaisance.

 

Et maintenant, que nous reste-il à faire pour Pierre ? Vivre comme il aurait aimé nous voir vivre ! À commencer par venir plus nombreux que jamais à notre grand banquet annuel le dimanche 2 décembre. Nul membre du mouvement, abonné ou lecteur du journal au numéro, ne peut se sentir cette année le droit d'hésiter à participer à cette grande rencontre qui sera celle de la vie qui continue. Un grand feu vient de s'éteindre mais mille petits feux se lèvent : les jeunes sont enthousiastes, les anciens nous manifestent leur attachement. L'âme de l'AF est bien vivante !

 

                                                                                                L’Action Française 2000    n° 2736

Publié dans Actualité nationale

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