Chapitre VIII Des derniers Emigrés

Publié le par Lux

Ainsi, tout le raisonnement des pamphlets contre les émigrés, sophistique par la forme, n'est point solide par le fond : il porte sur une base fausse ; car la grande, la véritable émigration est depuis longtemps rentrée en France. Elle a pris des intérêts communs avec le reste des Français par des alliances, des places, des liens de reconnaissance et des habitudes de société. Tout se réduit donc à cette petite troupe de proscrits que Louis XVIII ramena à sa suite. Voudriez-vous que dans son exil le roi n'eût pas conservé un ami ? C'est ce qui arrive assez souvent aux princes malheureux. Vous êtes donc effrayés de quelques vieillards qui viennent, tout chargés d'ans et dépouillés par tant de sacrifices, se réchauffer un moment au soleil de la patrie ? Nous avons déjà parlé de leur détresse ; faudrait-il, pour mieux vous tranquilliser, qu'ils fussent encore durement rejetés par leur roi ? " Compagnons vieillis avec moi dans la terre étrangère, leur dirait le monarque, me voilà revenu dans mon palais ; j'ai retrouvé mon peuple, mon bonheur, la gloire de mes aïeux : vous, vous avez tout perdu pour moi ; vos biens sont vendus, les cendres de vos pères dispersées : adieu, je ne vous connais plus. " Et où iront-ils, ces compagnons du malheur du roi, ceux qui ont dormi dans l'exil, la tête appuyée sur les fleurs de lis presque effacées par le sang et les larmes ; ceux qui se consolaient en entourant de leurs respects et de leurs communes misères le roi de l'adversité ? Ne permettez-vous point que Louis XVIII leur prête un coin de son manteau ? Voulez-vous qu'il prenne un air sévère quand il les voit, qu'il ne leur adresse jamais une de ces paroles qui payent en France tous les services ? Vous le voulez indulgent, miséricordieux, et vous exigez qu'il soit ingrat ? Admirons nos rois d'avoir été aimés dans le malheur et d'aimer dans la prospérité.

 

 

 

 

 

Publié dans Histoire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article