EDITORIAL

Publié le par Lux

POLITIQUE MAGAZINE   N° 49 Février 2007

 

EDITORIAL

 

Les médias nous l'ont annoncé avec des gloussements de plaisir : selon un sondage récent, il ne resterait plus qu'un Français sur deux pour s'avouer catholique. Il y a moins d'une décennie, c'était encore le cas des deux tiers d'entre eux. Immédiatement, la cohorte des mercenaires de la sociologie s'est mise en branle pour nous expliquer comment cette évolution s'inscrivait dans la marche triomphale de la post-modernité. Dans ce concert unanime, aucune voix ne s'est élevée pour remarquer qu'il en va de la transmission des valeurs comme de celle du savoir : après des décennies d'expérimentations aberrantes, nos pédagogues admettent qu'il est préférable, pour que les enfants sachent lire, écrire et compter, de commencer par le leur enseigner. La leçon vaut aussi pour les vérités éternelles de la religion.

 

Gardons-nous, de toute façon, d'accorder trop de crédit aux sondages. Ils ne reflètent que l'écume des choses. Nos roués publicitaires savent bien quelle place fondamentale la religion de leurs ancêtres continue d'occuper dans la mémoire, les sentiments et l'imaginaire des Français. C'est pourquoi, au moins dans leurs « pubs », ils aiment tant mettre en scène des petites soeurs à cornettes et des curés en soutane. Du coup, pour des millions d'enfants abandonnés devant les brillantes lucarnes, Saint-Esprit rime avec Panzani. Nos hommes et femmes politiques ne sont pas moins cyniques que les publicitaires. Voyez comme ce bon vieux christianisme, si méprisé les jours ordinaires, remonte en flèche à la Bourse des valeurs avant chaque élection présidentielle!

 

En 1981, Mitterrand, qui ambitionnait pourtant de tordre le cou à l'école libre, n'avait pas honte de poser pour ses affiches électorales sur décor de clocher d'église. Un quart de siècle plus tard, Mme Royal clame son amour des valeurs traditionnelles et familiales au moment où elle écrit en catimini aux associations « gays et lesbiennes » pour leur apporter son soutien résolu au mariage et à l'adoption d'enfants par les couples homosexuels. Depuis le Mont Saint-Michel, Nicolas Sarkozy, lui, place carrément sa campagne sous la protection du chef des légions célestes... Et il trouve des accents émouvants pour rappeler que « nous sommes les héritiers de deux mille ans de chrétienté et d'un patrimoine de valeurs spirituelles que la morale laïque a incorporé ».

 

Si l'on peut douter de la sincérité de leurs propos, une même leçon se dégage ainsi des déclarations et engagements de nos candidats. Presque tous et toutes ont pris conscience de la pressante volonté de ressourcement et d'unité qui monte aujourd'hui d'une société française plongée dans un désarroi profond, mais prête au sursaut nécessaire pour sortir de la mortelle spirale du déclin. Depuis longtemps, le thème du « rassemblement » des Français n'avait été employé de manière aussi obsédante dans une campagne électorale. Mais comment réconcilier et rassembler, alors que la logique même de l'élection du chef de l'État au suffrage universel à deux tours rend obligatoire la division du pays en deux camps? Faudrait-il encourager alors, comme le préconise un François Bayrou, la formation d'une « troisième force » ? Chacun pressent que ce serait le retour assuré à l'émiettement politique et aux errements de la IVe République. Le dilemme n'est pas nouveau : autour des exigences contradictoires de l'autorité et du respect de notre diversité nationale, depuis deux siècles, nos républiques tournent en rond. Et de ce fait, le rassemblement des énergies françaises demeure à la fois indispensable et impossible.

Publié dans Actualité nationale

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