Du suicide démocratique à la résurrection royale par Bernard Pascaud

Publié le par Lux

 

Et si la République était son propre fossoyeur ? Cette question à l'ironie grinçante relève pourtant davantage du constat que du souhait. Elle ne vise pas d'abord le décalage hallucinant entre la gravité de l'actualité mondiale et la superficialité du jeu de chaises musicales internes à nos partis, préalable à la course à l'échalote électorale de 2012. Elle n'est pas non plus fondée sur la démonstration de l'autisme politicien renouvelée à l'occasion des dernières élections cantonales. Elle a des causes plus profondes, même si la disqualification de la politique par l'ambition carriériste, la banalisation de l'abstention ou le maintien du vote protestataire légitimisent le sentiment de crise de confiance dans le système.
Plus profondément on peut s'aviser de ce qu'a produit la domination idéologique du libéralisme dans sa double version philosophique et économique: une évolution individualiste radicale. Si le va nu pieds de
l'An II vibrait pour " la patrie en danger ", le citoyen de l'an 2011 n'a de passion que narcissique, hédoniste et consumériste. La fin des idéologies a fini de désenchanter la politique et a troublé la perception du futur. Plus le moindre lendemain qui chante auquel croire. Plus de solidarité artificielle, classe ou parti, en remplacement des corps sociaux naturels. Pour les garçons, plus même de service militaire pour dire encore le lien du citoyen à la nation.
La sphère privée oblitère toute considération civique, et "l'attitude citoyenne" n'est sollicitée que pour l'usage de la cigarette ou la conduite automobile. Ou, bien-sûr, pour aller voter…rite sacré qu'on envisage désormais de rendre obligatoire afin de cacher le chancre obscène de l'abstention.
Tel est le paradoxe : l'individualisme démocratique a démobilisé le citoyen de sa souveraineté, tué ou atténué singulièrement ce qui pouvait ressembler à de la passion politique, ou tout simplement à de l'amour pour la France.
Dans le même temps, les choix politiques des gouvernants français successifs ont constitué un facteur aggravant. Au point que l'obsolescence républicaine est aujourd'hui patente. Tous les schémas républicains sont aujourd'hui remis en cause : la centralisation administrative est devenue obsolète, le régime d'assemblée dépassé, le pouvoir du peuple-souverain largement confisqué, la représentation nationale méprisée, l'Etat-nation nié par la supranationalité… La démocratie n'est plus dans la démocratie ! Certains en cherchent donc de nouvelles formes. Par exemple dans la démocratie dite participative, dont il n'est pas inintéressant de constater qu'elle considère comme vertueux le fait de contourner les élus. C'est qu'on rêve d'un système où le peuple puisse donner son avis, consentir aux lois, être garanti dans ses libertés.
Cette conception n'est pas incompatible avec une monarchie. N'était-ce pas un des enjeux de la convocation des Etats Généraux…lesquels ne se sont pas tenus! Et si on reprenait le grand élan de 89 conformément à l'injonction de Chambord ?
Ces considérations ouvrent des chantiers à notre sagacité militante. Comment la France survivra-t-elle à la catastrophe démocratique dans un état d'abandon politique ? Le débat est en cours. Rocard et Juppé y vont de leur commun tam-tam dans un livre-dialogue dont le titre laissait présager le meilleur: "La politique telle qu'elle se meurt de ne pas être". Hélas, la réponse s'apparente à un rapport d'experts proclamant les hautes valeurs de tout ce qui a si parfaitement échoué. N'empêche que l'appel obsessionnel aux idéaux démocratiques ne relève plus que d'une rhétorique de l'obstination.
Il n'ôte rien à la pertinence de l'opposition rationnelle entre une tradition républicaine qui s'anémie et une tradition royale consubstantiellement porteuse d'innova-tions. La capacité de la monarchie capétienne à adapter le présent au rythme du temps ne relève pas du rêve éveillé, elle est démontrée par l'histoire. Quel chantier d'importance la monarchie ne pourrait-elle pas concevoir ? Confronté aux enjeux d'aujourd'hui, l'état royal, avec ses caractéristiques de stabilité, d'unité et d'indé-pendance réintroduirait dans la politique les éléments qui lui font défaut.

Le projet royal peut vraiment s'ajuster aux besoins dominants de l'époque. Il pourrait même accompagner, voire institutionnaliser, ces expérimentations de "démocratie participative" qui peinent à s'imposer aujourd'hui. Rendre intelligible et audible la rationalité du projet royal reste la priorité de notre action, réaffirmée à notre réunion des cadres du 2 avril.

Publié dans Pensée politique

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