Les contradictions de la République

Publié le par Lux

 

 

 

Ainsi, Nicolas Sarkozy, comme d'ailleurs tous ses prédécesseurs avant lui, a déclaré qu'il serait "le président de tous les Français" et, pour bien le prouver, a nommé ministre ou secrétaire d'Etat trois personnes venant des rangs socialistes... Mais dans le même temps, il s'implique directement dans la bataille des élections législatives. Le chef de l'Etat a même animé "une grande réunion républicaine" en faveur se son parti avant le premier tour de ces élections. En fait, malgré la confortable majorité qu'il a obtenue, Sarkozy n'est toujours que le Président d'une moitié des Français et continue par définition à participer à "la guerre civile sans coup de feu" qui caractérise la démocratie à la française. D'autant plus que les institutions de la Ve République, en dépit de la réduction du mandat présidentiel de sept ans à cinq ans, obligent le Président à avoir un parti majoritaire à 1 'Assemblée Nationale ou le condamnent a subir une cohabitation rendant toute réforme impossible. Car le Président a certes des pouvoirs importants, mais il ne peut se passer d'une Chambre des députés qui vote les lois...

 

Les incohérences de la Vème République

 

En outre, sur le plan de la légitimité, ces deux pouvoirs sont en concurrence. En effet, les légistes du général de Gaulle qui ont rédigé la Constitution de la Ve république ont, comme s'ils n 'arrivaient pas à choisir la véritable nature des institutions, laissé quelques incohérences dans cette charte fondamentale. Le principe de base de cette Constitution étant que "la souveraineté appartient au peuple", il est clair que le pouvoir exécutif, élu au suffrage universel direct depuis 1962, vient au même rang, sur le plan de la légitimité, que le pouvoir législatif, élu lui aussi au suffrage universel direct. On dira que le Président est élu par l'ensemble des citoyens, alors que chacun des députés n'est élu que par les électeurs de sa circonscription. Mais, selon les principes fondamentaux républicains, qui restent toujours en vigueur, chaque député représente l'universalité de la Nation...

 

Il est vrai que les gaullistes, et notamment Michel Debré, principal rédacteur de cette Constitution, ont toujours parlé d'un " domaine réservé " qui serait de droit le domaine de compétence du chef de l'Etat ; ce domaine comprendrait les compétences purement " régaliennes ", telles que la diplomatie et la défense nationale. Mais cette interprétation extensive n'existe qu'en pointillé dans le texte de la Constitution, et une majorité issue de l'opposition pourrait la contester ... Une autre incohérence de taille est le statut du Premier ministre. Selon la Constitution, le chef de gouvernement "détermine et conduit la politique de la Nation". Mais, malgré quelques grincements de dents, lorsque la majorité de l'Assemblée est du même bord que le Président, c'est toujours celui-ci qui l'emporte. Pensez au fameux : "Je décide et il exécute" ! Mais en période de cohabitation, c'est moins clair... Il s'ensuit que si le parti de Nicolas Sarkozy n'emporte pas la majorité aux élections législatives, la France va s'enfoncer dans l'immobilisme au cours des prochains mois et des prochaines années, et l'on sait que le nouveau Président de la République est allergique aux périodes calmes et préfère la vitesse et les changements, mêmes brusques... D'où l'ouverture vers les socialistes - au moins sur le plan individuel - et l'implication du Président dans la campagne électorale.

 

Le choix douloureux des socialistes

 

Il faut dire que Nicolas Sarkozy est grandement aidé dans sa manœuvre par un Parti Socialiste en pleine décomposition. Comme une baleine échouée sur le sable, son grand corps bouge encore de temps en temps, mais on devine qu'en dessous tout un travail de clarification est en cours. En effet, il fallait l'extraordinaire talent de François Mitterrand pour, d'un côté, continuer à tenir au peuple le langage de Jean Jaurès et de Jules Guesde, et de l'autre, à partir de 1985, ouvrir tout grand les frontières au libéralisme (suppression du contrôle des prix, du contrôle du crédit et du contrôle des changes). De même, contre vents et marées, François Mitterrand a continué à soutenir la construction européenne, alors que tout le monde savait que la technocratie bruxelloise marchait vers le grand large et refusait l' Etat Providence à la française... Il va être bien difficile pour ses successeurs de continuer cet exercice de grand écart ! Quant à Ségolène Royal, elle a pu faire illusion avant le scrutin présidentiel, mais, même aux yeux d'une opinion abusée par les images, son temps est passé ... Tôt ou tard, le Parti Socialiste devra choisir : soit il fera son Bad-Godesberg, arrachera ses derniers oripeaux marxistes et se ralliera à la social-démocratie comme les autres partis socialistes européens, soit il redeviendra le petit groupe intransigeant qu'il était avant que François Mitterrand ne le prenne en mains, et se ralliera à une extrême - gauche combattant activement la mondialisation et l'Europe.

 

Le Front National en déclin ?

 

Les médias se gargarisent des mauvais résultats de Jean-Marie Le Pen à l'élection présidentielle et font comme si son parti était irrémédiablement condamné, sinon à disparaître, du moins à retomber, sur le plan électoral, à un étiage inférieur. Il est vrai que Le Pen n'a pas vu venir le piège que lui tendait Nicolas Sarkozy en ce qui concerne l'immigration, et qu'il a tardé à contre-attaquer sur le terrain où ce dernier était en porte-à-faux vis-à-vis de l'électorat lepéniste : l'Europe. Car, bien que Nicolas Sarkozy parle de rupture, il a bel et bien voté et appelé à voter OUI au traité constitutionnel. En se servant de cet argument, Jean-Marie Le Pen et son parti pourraient donc rebondir même après les législatives. Et puis, comme disait Charles Maurras :"Le désespoir en politique est une sottise absolue" ! A suivre...

 

Et l'Europe dans tout cela ?

 

On se garde bien d'en parler, car c'est un sujet qui dérange et qui pourrait bien, si la passion s'en mêle, diviser encore plus l'Europe ! On verrait alors apparaître, d'un côté les adversaires d'une Europe supranationale (Grande-Bretagne et Pologne, notamment), de l'autre les tenants d'une telle Europe, parce qu'il en ont beaucoup profité (Espagne et Italie, notamment), et au milieu, malades de dégoût et de désillusion, les Français et les Néerlandais, et, quoiqu'on en dise, les Allemands ... La belle image d'une Europe qu'on disait " unie " ! Pour dire les choses clairement, la construction européenne est un cadavre qui bouge encore et que personne n'a le courage d'enterrer définitivement ... C'est pourquoi, le règlement de l'affaire de la " Constitution européenne " se fera très probablement en catimini, avec un service minimum. On peut compter en cela sur les Anglais, qui très bientôt seront dirigés par le successeur désigné de Tony Blair, Mr Gordon Brown, dont on connaît l'aphorisme d'allure très maurrassienne : " Entre le monde et la Nation, il n'y a rien Encore de belles bagarres en perspective

 

                                                             Georges Rousseau

                                                                                                                                                                 (Restauration Nationale n° 44)

Publié dans Pensée politique

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