Politique d'abord! (Charles Maurras)

Publié le par Lux

Rectifions sans trêve l'erreur qu'on fait sur nos doctrines. On croit que la Monarchie est considérée par nous comme le «  couronnement  » (une espèce de toit ou de dôme  !) donné à l'édifice politique français.

 

Cela a été enseigné parfois chez nos aînés et chez nos devanciers.

 

 

 

 

 

 

A l'Action française, point du tout. La Monarchie française y est reconnue pour la pierre angulaire ou, mieux, la fondation ou, l'outil de l'édification.

 

 

 

 

 

 

La Monarchie est nécessaire. Avec elle, tout est possible; sans elle, rien de sûr. Elle n'est pas la fin : la fin, c'est la sûreté, c'est la grandeur, la prospérité et la gloire de la patrie. Elle est le moyen indispensable, l'instrument dont on ne se passe pas, fût-on Richelieu ou Bismarck, ou Colbert.

 

 

 

 

 

 

À l'axiome «  politique d'abord  » répond ce corollaire «  d'abord le Roi  ».

 

 

 

 

 

 

On démontre la nécessité de la Monarchie comme un théorème.

 

 

 

 

 

 

La volonté de conserver notre patrie française une fois posée comme postulat, tout s'enchaîne, tout se déduit d'un mouvement inéluctable. La fantaisie, le choix lui-même n'y ont plus de part : si vous avez résolu d'être patriote, vous serez obligatoirement royaliste. Mais, si vous êtes ainsi conduit à la monarchie, vous n'êtes pas libre d'obliquer vers le libéralisme, vers le démocratisme ou leurs succédanés. La raison le veut. Il faut la suivre et aller ou elle conduit, admettre ce qu'elle impose : la reconstitution, la restauration et la réorganisation sur des bases organiques, de la Patrie.

 

 

 

N'étant pas les charlatans de la Monarchie, comme il y a des charlatans de la Démocratie, nous n'avons jamais enseigné que la Monarchie détournât par sa seule présence les maux dont la guerre civile ou la guerre étrangère, les épidémies physiques ou les pestes morales peuvent menacer les nations.

 

 

 

 

 

 

Ce que nous disons, c'est que, dans les pays qui sont faits comme la France, la Monarchie héréditaire réunit les meilleures conditions, les seules conditions réelles de défense contre ces fléaux.

 

 

 

 

 

 

La Monarchie n'est pas incapable d'erreur, mais elle est mieux armée que tout autre pouvoir pour la démêler, s'en garantir et, en cas de malheur, revenir à la vérité en procédant aux réparations nécessaires. Qu'une crise d'évolution économique ou sociale, intellectuelle ou religieuse se produise, la Monarchie peut y présider soit heureusement, soit avec un minimum de dégâts.

 

 

 

 

 

 

Si, pris dans un cyclone comme l'histoire en a vu parfois se déchaîner, on essuie quelque révolution brutale, le passage est moins rude, le renversement moins complet quand cela se produit sous un chef, sous un prince dont la succession, étant réglée d'avance, exclura tout conflit de compétiteurs.

 

 

 

 

 

 

La crise sociale morale ou religieuse ne sera pas aggravée et envenimée par une crise de l'État : l'État tient par sa propre force.

 

 

 

 

 

 

Ainsi, en Monarchie, les intérêts supérieurs les plus étendus, les plus graves sont placés dans une atmosphère assez haute et assez sereine pour qu'on puisse espérer que les vents n'y remontent pas. Si, malgré tout, ils s'y élèvent, eh bien, tant pis  ! Le genre humain, au maximum de la détresse, aura eu le maximum de ses garanties. Le malheur est-il immense, on doit se dire que le fléau serait plus fréquent, plus complet et plus douloureux si le pouvoir suprême était placé plus bas et exposé légalement au ballottage électoral, aux compétitions militaires.

 

 

 

 

 

 

Rappelez-vous de ce qu'à été notre Révolution, tant qu'une ombre de Monarchie l'a retenue, et ce qu'elle a été après le 10 août, dès que les folies de l'esprit et les cupidités du coeur eurent le chant libre à travers les assemblées titubantes  ! La Terreur qui n'était qu'un phénomène d'anarchie devint un système, une Loi, un Régime, une Règle, et c'est cela précisément dont un patriote et un homme d'ordre doivent trembler.

 

 

 

 

 

 

Même déchue, démoralisée, éperdue, la Monarchie emporte en elle-même le sentiment (et elle donne aux autres la notion) d'une responsabilité, d'une mémoire, d'une prévision, toutes choses dont les Parlements démocratiques sont dépourvus.

 

 

 

 

 

 

La Monarchie confère à la politique les avantages de la personnalité humaine; le régime républicain dissout ses desseins et ses actes dans une collectivité sans nom et partant sans honneur.

 

 

 

 

 

 

Dès lors, comme la Monarchie représente naturellement la capacité du plus grand bien et du moindre mal, la République signifie la possibilité permanente du pire mal, du moindre bien.

 

 

 

 

 

 

Il y a sans doute des doses du mal et du bien, il y a des données qui dépendent des circonstances, des peuples et des hommes : nul régime ne crée les hommes, les peuples, ni leurs conditions intellectuelles et morales. Mais, manifestement, la mise en oeuvre républicaine gaspille et pervertit les admirables ressources d'esprit et de coeur qui lui sont fournies par la France et par les Français.

 

 

 

La République a besoin de s'imposer aux consciences puisqu'elle repose sur des volontés.

 

 

 

 

 

 

Elle a besoin de la foi, de l'enthousiasme des sujets, qui sont ses électeurs et qui, nominalement, constitutionnellement, ont ses destinées dans leurs mains. Au contraire, la Monarchie existe par le fait qu'elle existe. Elle n'a pas besoin de consulter à chaque instant un prétendu souverain électeur. Il lui suffit en somme d'être reconnue, tolérée, et son principe ne l'oblige pas à harceler les gens, à aller les sommer constamment de la trouver belle.

 

 

 

 

 

 

La République est une idéologie, pour ne pas dire une logomachie. La Monarchie est une réalité.

 

 

 

 

 

 

Celle-ci n'a besoin que d'être trouvée acceptable. L'autre exige que l'on suive ses rites, et gare à qui sera suspect de ne pas fêter le décadi de bon coeur  !

 

 

 

Si la plupart d'entre les nouveaux royalistes sont arrivés à vouloir la monarchie par la passion du salut national, il en est qui y sont parvenus aussi par goût des libertés locales, ou des réformes sociales, ou de l'ordre public, ou du progrès de l'intelligence et de la civilisation...

 

 

 

Ces biens divers : sécurité nationale, organisation économique, culture personnelle, justice sociale, ne font donc pas deux groupes opposés, s'excluant l'un l'autre. Nous les concevons réunis, et nous voyons que de tels biens, dans un pays comme la France, naissent, croissent ou déclinent selon les hauts et les bas de leur condition commune : la Monarchie.

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