Conséquences du libéralisme

Publié le par Lux


1° L'esprit révolutionnaire


Créer des mécontents pour obtenir les agités, et jouir enfin du désordre, c'est le procédé ordinaire de l'esprit de révolution.

L'esprit révolutionnaire croit la politique appelée à donner des prix aux individus ; il oublie que sa tâche n'est que de faire prospérer les communautés. De cette confusion est sortie toute son erreur. Où la sagesse universelle pense bonheur collectif, bien public, unité collective, c'est à dire Famille, État, Race, Nation, le révolutionnaire pense bonheur et satisfactions du privé, en d'autres mots l'insurrection.


Le désordre révolutionnaire, fondé sur une philosophie individualiste, compte presque autant de complices qu'il peut y avoir en France de médiocres, d'envieux, de sots et de gredins.


La Routine consiste à continuer aveuglément ce qui eut raison d'être et qui n'en a plus. Le propre de la Révolution est de tout mettre sens dessus dessous à propos de bottes. L'effet commun de la Routine et de la Révolution est de piétiner : l'Inertie.


La Révolution vraie, ce n'est pas la Révolution dans la rue, c'est la manière de penser révolutionnaire.


Pour combattre toutes les traditions sociales, l'esprit révolutionnaire s'était tout d'abord présenté comme le lieutenant de la science, son ayant droit, son hériter présomptif. Et l'esprit révolutionnaire enseignait la science contre les religions, mais aussi contre les gouvernements.

Si, jusqu'à un certain point, la négation du métaphysique et du révélé, du surnaturel et du miraculeux, pouvait se prévaloir d'un certain progrès général de la connaissance du monde physique, celle ci n'apportait rien ni ne pouvait rien apporter à cette critique des autorités et des inégalités sur laquelle s'appuie essentiellement la démocratie. La critique démocratique n'est pas physique, elle est métaphysique. Elle n'est pas née de la science, mais d'une religion, et fausse.


Recours à l'étranger


La Révolution procède en France d'un effort de l'Étranger et de ses suppôts en vue d'évincer l'indigène. Cette conquête pacifique ne se peut pas sans le secours des pires. Quand une Puissance étrangère s'installe par la force des armes dans un pays donné, elle convoque les meilleurs, notables, princes, chefs et, leur imposant la délégation de sa force, elle les tient pour responsables de la perception des impôts et de la sûreté de ses propres agents. Mais quand, au lieu de consolider l'occupation, il s'agit d'ouvrir les voies à l'armée d'invasion, c'est à la dernière lie du peuple que l'Étranger s'adresse. Il soudoie les démagogues afin qu'ils insurgent le vagabond sans feu ni lieu contre la partie possédante et laborieuse du pays. Il s'efforce d'obtenir que les moins intéressés à l'ordre public bénéficient du maximum de puissance publique. Il fait la Révolution et s'applique à déguiser cette Révolution en Gouvernement : trop heureux quand il peut, comme il l'a pu en France, obtenir des mesures de constitution et de législation générales dont les effets particuliers répétés chaque jour, en donnant avantage au criminel sur l'honnête homme, au bohémien ou au bohème sur le citoyen, établissent enfin la domination légale et presque régulière des plus insignes coquins. Un tel gouvernement, non content d'affaiblir toutes les défenses extérieures, les livre : il crée un état d'esprit d'impatience et de trahison ; stupéfait de son impuissance, à bout de vexations et de persécutions, le gros du peuple va chercher le gendarme où il est, c'est à dire au dehors. L'Étranger prend alors figure de libérateur et vient pacifier les désordres qu'il a payés. Cela ne s'est pas vu seulement comme le croient nos naïfs historiens révolutionnaires dans les années 91 et 92 du siècle avant dernier. Toutes les républiques italiennes ont recouru, à peu près de même, à ce même gendarme qui s'appelait tantôt le César d'Allemagne, tantôt le podestat de quelque château d'alentour.

Et ces villes grecques du temps de Polybe !

Et tels conservateurs français du temps de Hitler!


2° L'anarchie


L'anarchisme est la forme logique de la démocratie. Mais on ne peut pas s'arrêter à un anarchisme idéal. C'est un principe qui réclame énergiquement sa réalisation intégrale. L'esprit d'un anarchiste, s'il est droit, bien doué et conséquent avec lui même, en arrive aisément à concevoir et à désirer l'état de nature. J'imagine que c'est alors pour lui, pour sa doctrine, un assez rude instant.


La vanité de l'anarchie


L'Anarchie prétend simplement détruire, pour les abolir à jamais, les liens qui, d'après elle, asservissent et déshonorent l'humanité : or, si nous la voyons procéder de bon coeur aux destructions qu'elle médite, nous la voyons refaire dans son propre sein, dans sa petite cité d'anarchie, tout ce qu'elle a détruit au dehors.

Forte contradiction qui ôte au programme anarchiste son explication rationnelle et sa justification morale, car on n'a pas le droit de détruire ce qu'on se voit obligé de reconstruire ainsi sans délai. Mais ce n'est pas tout : le système social ainsi rabiboché a des chances nombreuses de se montrer inférieur à celui qu'il sera censé remplacer.

En admettant, pour tout simplifier, que des matériaux ramassés en un jour d'improvisation vaillent ceux qu'avait réunis et affermis l'épreuve des temps et en supposant qu'une génération, celle d'aujourd'hui, puisse valoir, à elle seule, la suite des innombrables générations qui l'ont précédée, le nouveau bâtiment social ne correspondra qu'à des besoins immédiats ou très récents ; il fera face à des nécessités éphémères et partielles ; il représentera le fruit d'une expérience courte, suggérée par un petit nombre de besoins très bornés. Il aura besoin de réparations constantes, de compléments perpétuels. On n'en jouira guère. Il faudra sans cesse y combler lacunes ou crevasses. Une police rudimentaire, une justice, une armée, une marine, une diplomatie rudimentaires, voilà donc ce qu'on nous offre pour faire suite à la diplomatie, à la marine, à l'armée, à la justice et à la police que l'industrie de trente siècles d'effort historique, éclairé par des millions de faits concrets, avait composées à loisir.


Détruire la Société pour la rebâtir dans ces conditions, c'est proposer de mettre en pièces un paquebot afin d'en extraire un radeau. Je ne sais rien de plus sauvage. Comment se fait il que les anarchistes sincères et cultivés ne s'en soient jamais aperçus ?

Je ne nourris pas le rêve enfantin d'endoctriner les hommes qui ont embrassé la Révolution comme une carrière. Mais il y a ceux dont le destin n'est pas fixé et chez qui la raison fait élever la voix. Puis, il y a les jeunes gens. Toute la jeunesse française se devrait entendre dire et répéter, matin  et soir, que l'anarchisme (et son succédané : le libéralisme) est essentiellement un attrape nigaud. Il ne mène à aucune idée claire. Il n'emporte aucune satisfaction ni d'esprit, ni de fait, en dehors du métier de politicien.


On pourra détruire une société, on ne détruira pas la société. La nécessité sociale révèle et impose empiriquement sa puissance à ceux mêmes qui la contestent en théorie et dont la théorie ne peut même pas nous promettre un dégrèvement des charges sociales. Le jour social qu'ils conçoivent  ne sera pas moins lourd que celui dont ils souffrent ; mais, appuyé à des institutions moins fortes, il sera moins utile, moins secourable et moins puissant. L'autorité y pourra être de qualité  moins fine et moins ferme ; mais d'autant plus impérieuse, encombrante, tatillonne et portée à se mêler des moindres détails.

Tel a été en fait le résultat de notre Révolution.

Elle a détruit l'autorité monarchique, pour établir une autorité administrative beaucoup plus vexatoire. Elle a défait la collaboration hiérarchique des « ordres » pour établir des « classes » de moins en moins communicantes qui sont en guerre déclarée. D'un type social très perfectionné, le libéralisme de 1789 nous a fait descendre à un type élémentaire : l'anarchisme va t il nous faire descendre plus bas ?



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