L'économie

Publié le par Lux


L'économie étant la science et l'art de nourrir les citoyens et les familles, de les convier au banquet d'une vie prospère et féconde, est une des fins nécessaires de toute politique. Elle est plus importante que la politique. Elle doit donc venir après la politique, comme la fin vient après le moyen, comme le terme est placé au bout du chemin, car, encore une fois, c'est le chemin que l'on prend si l'on veut atteindre le terme.


En matière économique, plus encore qu'en politique, la première des forces est le crédit qui naît de la confiance.


L'essor économique incite au progrès politique.


L'ordre économique est l'ordre de la nature


La doctrine libérale assure que le bien social résulte mécaniquement du jeu naturel des forces économiques. Qu'est ce qu'elle en sait ? Au fur et à mesure que les faits économiques viennent démentir son optimiste et fataliste espérance, elle nous répond : attendez, l'équilibre va se produire de lui seul. Mais cet équilibre fameux ne se produit pas. Les conseils des économistes libéraux valent pour nous ce qu'auraient valu autrefois pour le genre humain une secte de naturistes qui lui aurait recommandé de se croiser les bras et d'attendre que la terre porte d'elle même les fruits et les moissons. S'il eût écouté de tels sons, le genre humain attendrait encore ou serait mort de froid et de besoin.

Non, la nature, non, le jeu spontané des lois naturelles ne suffisent pas à établir l'équilibre économique. Mais prenons garde ; ces lois, auxquelles il serait fou de vouer une confiance aveugle et mystique, il serait encore plus fol de les négliger. Cultivons, tourmentons, forçons même l'ample et bizarre sein de la vieille nature, ajoutons à ses forces nos forces et notre sagesse, notre prévoyance et notre intérêt, doublons les partout de nous mêmes. Mais sachons que nous ne commanderons aux choses qu'à la condition de leur obéir. Moissonner en hiver, vendanger au printemps, voilà l'impossible. Avant de moissonner et de vendanger, connaissons le temps naturel des vendanges et des moissons. Et, si nous voulons influer en l'améliorant sur l'ordre économique, connaissons le. Par dessus tout appliquons nous bien à n'en connaître aucun fait essentiel. Nous payerions comme toujours ces oublis et ces ignorances ou plutôt notre peuple payerait notre grande erreur.


Rapports de l'économique et du politique


Il n'est pas vrai de dire que les crises économiques sont toujours les causes des crises politiques. Pourtant il serait faux de dire qu'elles ne le sont jamais. La vérité est que les unes et les autres sont tour à tour cause et effet. Certaines explosions de 1789 ont résulté de la misère, mais, sans l'état d'esprit que le philosophisme avait déterminé chez les gouvernants et les gouvernés, les émeutes auraient elles pu devenir des révolutions ? En 1848, sans le licenciement des ateliers nationaux, on n'aurait pas eu les journées de juin, mais ces ateliers n'eussent jamais été ouverts sans les idées politiques de la crise de février.


Les phénomènes économiques semblent d'ailleurs jouer, en histoire, le rôle d'excitateur plutôt que de déterminateur ; ce sont des causes matérielles plutôt que des causes formelles.


Nous ne sommes pas sectateurs de l'État Providence, mais l'État a pourtant d'autres fonctions que la gendarmerie. Il a, sinon des fonctions d'économe, celles de contrôleur et de président de l'économie, et nous entendons bien que sa protection ne s'arrête pas aux produits, elle doit s'étendre aussi et tout d'abord à l'homme, leur producteur.

Que pourrait être l'avenir de la race, de la nation, si l'État se désintéressait des conditions faites par la vie à ses nationaux.


La question économique et les lois sociales


Dites que nos lois sociales ont été bâties de travers sur un double principe de lutte des classes et d'uniformité d'organisation, vous  serez près de la vérité. Vous y serez en plein si, opposant principe à principe, vous demandez qu'on légifère ou qu'on réglemente par région et par profession, après avis des compétences, après accord direct des intéressés. Mais, de grâce, que l'on ne nous oppose plus on ne sait quelle fatalité des lois de l'économie dont le jeu mécanique aurait déterminé un inévitable renchérissement de la vie en raison de toute élévation de salaire !


On dit : « C'est évident. » Ce n'est pas si évident que cela. Les lois que l'on formule supposent que l'on sous entend : « Toutes choses étant égales d'ailleurs, nul autre facteur n'intervenant, nulle autre loi plus étendue n'étant mise en jeu. Votre loi, elle est vraie en système clos : je serais obligé de vendre plus cher si, payant davantage des ouvriers qui ne me produiraient point de plus value correspondante1, si, redis je, j'étais tenu de réaliser les mêmes bénéfices qu'auparavant, mais que je sois tenu, en fait, de réaliser ces bénéfices là, c'est une hypothèse vérifiée dans certains cas et démentie dans d'autres car un manque à gagner n'est pas nécessairement une perte, ni une cause de faillite ou de liquidation : on peut gagner moins et continuer de faire honneur à ses affaires ; en outre, il n'est pas inconcevable ni sans précédent qu'un accroissement du salaire de l'ouvrier détermine l'amélioration ou l'augmentation du produit. »

Me dira t on que les ouvriers ne veulent pas ceci ? Que les patrons ne veulent pas cela ? C'est peut être leur droit, mais l'expression de leur volonté, l'exercice de ce droit ne sont pas le jeu fatal d'une loi naturelle. Vautres idées et d'autres moeurs peuvent modifier ces volontés en les civilisant : l'antagonisme des deux droits témoigne du conflit de deux barbaries en présence, nullement d'une flexible nécessité naturelle extérieure aux volontés.


Dans cette corruption du langage qui marque notre temps, l'on perd de vue le sens de la notion de loi en étant qu'elle est conçue comme le signe de succession entre deux faits. L'élévation de salaire et celle du prix des denrées peuvent être en rapport étroit, mais ce rapport peut et par conséquent doit être corrigé au moyen d'autres facteurs interposés à propos. Ici, une meilleure administration. Là, plus d'ardeur au travail. Plus haut, des finances épurées permettant d'alléger les charges publiques, une décentralisation rationnelle 2, une étude de la législation commerciale plus vigilante. En aucun cas, la « loi » économique ne peut signifier qu'une riche population doive mourir de faim toutes les fois que le salaire des ouvriers y est augmenté, car autant vaudrait dire que la loi de la pesanteur nous oblige fatalement à nous rompre le cou.

Les Lois donnent la table des constantes de la nature.

C'est à l'homme de ne pas s'asservir à elles, mais bien de se servir de leur fidèle avis. Au nom des lois fatales de la chute physique, on s'en va en ballon, peut être ira t on jusqu'aux astres. Les fatalités de l'économie doivent ainsi se composer en vue du bien de la nation. Il n'y a pas de protectionnisme, il n'y a pas de libre échange qui tienne : il y a la vigilance et l'incurie, il y a l'organisation intelligente des tarifs ou la résignation à leur jeu automatique et mécanique, lequel ne peut être que désastreux comme toute résignation humaine aux caprices de la nature. Une situation matérielle aussi complexe que celle du sol français exigerait une police économique âprement et passionnément dirigée, mais cette police suppose aussi un État fort, vivace, dévoué aux intérêts de la patrie entière et non pas d'un parti ; un État occupé de l'avenir des peuples et non plus condamné à se débattre sans espoir dans chacune des plus misérables difficultés du présent ; un État bien servi, un État respecté, un État attentif aux particularités significatives et soucieux d'en interpréter et d'en traduire en acte chaque avertissement...

1  C'est cette plus value que l'expérience Blum n'a pas su provoquer et a même empêchée net (1936-1937).

2  L'expérience Blum a procédé à rebours : centralisation, augmentation d'impôts, etc. (1936 1937).

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